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COE « Briser le silence » : une obligation aussi pour les églises, si elles veulent la réconciliation, la vérité et la justice en Europe


From smm@wcc-coe.org
Date 04 Feb 2001 03:56:31

Conseil oecuménique des Eglises
Communiqué de presse
Pour publication immédiate
Le 3 février 2001

Comité Central, No. 12

COMITE CENTRAL, POTSDAM

« Briser le silence » : une obligation aussi pour les églises, si elles veulent la réconciliation, la vérité et la justice en Europe

«Le communisme est fini, mais pas le bolchevisme... et il sévit dans les églises.» C'est ce que, cherchant à analyser la difficulté, pour les églises, à parler du passé, le père Vladimir Federov a dit devant le Comité central du Conseil *cuménique des Eglises (COE), ce mercredi 31 janvier 2001 à Potsdam, près de Berlin (Allemagne). Le père Federov est directeur de l'Institut orthodoxe de recherche missiologique à St Pétersbourg.

«L'esprit bolchevique», expliquait-il, « consiste à dire : je suis quelqu'un de bien, je peux être heureux mais il y a des ennemis autour de moi, je dois les trouver et les éliminer et alors je serai heureux. Cet esprit, qui a sévi dès 1917 en Russie, est encore à l'oeuvre, y compris dans nos églises orthodoxes, où personne ne dit: je suis peut-être moi aussi responsable. Nous avons toujours été préoccupés de l'Eglise (kirchlich), mais nous n'avons été que très peu chrétiens (christlich).»

Le Comité central du COE avait organisé une table-ronde sur la situation en Europe, autour du thème « Réconciliation, vérité et justice ». Invité lui aussi à cette table-ronde animée par le journaliste suédois Conny Sjöberg, le pasteur Paul Oestreicher, chanoine émérite et consultant international, actuellement à la Cathédrale de Coventry (Royaume Uni), a dit qu'effectivement, «les églises dans le monde devraient, à l'instar des églises protestantes de la République démocratique d'Allemagne en son temps, se montrer solidaires de la société et en même temps savoir poser les questions critiques».

A quoi le pasteur Johannes Gauck, ancien commissaire fédéral chargé des dossiers  du Service de sécurité d'Etat - la Stasi - de l'ex-RDA, a répliqué que 
«ce n'était pas si simple et clair que cela. A l'époque, certains, dans l'Eglise,  se contentaient de vivre avec le communisme, d'autres pensaient que celui-ci était plus proche de l'Evangile que le capitalisme et d'autres encore résistaient. Mais aucun de ceux qui obéissaient, ni de ceux qui résistaient, ne questionnait sa propre position.» Johannes Gauck a eu à gérer, après la chute du mur de Berlin en 1989, environ 180 km de rayonnages remplis de dossiers de l'ex-Stasi révélant les contacts que les agents du Service de sécurité entretenaient avec de nombreuses  personnes, y compris dans les églises. Ainsi, il s'est avéré que des pasteurs, des évêques, des laïcs avaient collaboré secrètement avec les agents de la Stasi... souvent avec la conviction personnelle de faire quelque chose de juste, mais rompant de fait la solidarité d'Eglise, jugeait Johannes Gauck. «Le silence à ce sujet», insistait-il, «il faut le briser. Reste la question : que faire de la confession des péchés!
?»

Il ne faut pas oublier, racontait Gauck, qu'à l'époque le régime communiste de la RDA suscitait de grands espoirs dans le monde : l'Afrique en attendait un nouvel ordre mondial et une partie de la jeunesse d'Europe de l'Ouest y voyait un modèle de justice sociale.

Quant au travail en faveur de la paix en Europe aujourd'hui, Madame Ana Raffai, responsable du Programme d'éducation à la paix en Bosnie et en Croatie,  évoquait la situation en ex-Yougoslavie qu'elle connaît bien : lorsque la guerre a éclaté,  racontait-elle, son souci premier était moins l'avenir de l'Etat que le devenir de ses trois enfants. Son mari ayant opté pour l'objection de conscience, elle l'a suivi.

«La guerre, remarquait-elle, a pour le moins rendu ce service de mettre en lumière ce qui auparavant était resté larvé : le problème des relations entre les diverses identités nationales. Celles-ci peuvent et doivent maintenant être abordées ouvertement et honnêtement si l'on veut travailler pour la paix.»

Doris Peschke apportait à son tour dans la table-ronde du Comité central du COE le témoignage de son action, en Allemagne, contre le racisme et la haine de l'étranger. Le racisme existe partout en Europe, estimait-elle. «Que demande-t-on à un allemand à peau noire, sinon 'de quel pays venez-vous ?' et ce de préférence en anglais? Et si en Allemagne, vous entendez quelqu'un s'exprimer dans une autre langue que l'allemand, vous le tenez d'emblée pour un étranger, non?»

Le pasteur Oestreicher a donné raison à Doris Peschke. Il a cité une étude menée par le Ministère anglais de l'Intérieur qui conclut que la police du Royaume Uni, en tant qu'institution, est raciste. Pas forcément tel policier en particulier, mais la police dans son ensemble. Et ceci est vrai pour d'autres institutions, y compris l'Eglise, affirmait-il. Raison de plus, a repris Doris Peschke, pour que les églises se mettent enfin à parler du racisme.

«Pourquoi votre Europe si fière de ses nombreuses associations et actions pacifistes», demandait encore un membre coréen du Comité central, «n'a-t-elle pas trouvé le moyen de résoudre les problèmes de la Yougoslavie autrement que par la guerre?» Johannes Gauck, lui-même un ancien pacifiste convaincu, a dû admettre qu'il avait, non sans douleur, vécu une évolution personnelle : « ...passer du pacifisme à une vision où je n'exclus pas que, devant une injustice extrême et quand tous les autres efforts sont restés sans effet, l'usage contrôlé de la force soit acceptable. Après tout, un oppresseur ne doit pas pouvoir faire tout ce qu'il veut!» Ana Raffai, de Croatie, lui rétorquait qu'avant de faire usage de la force, on aurait pu demander son avis à la population de la Yougoslavie! 

Le pasteur Oestreicher confessait alors que «nous, Européens, n'avons pas encore trouvé le chemin de la paix. Nous disons facilement au sujet des Africains qu'ils se font entre eux des guerres tribales, alors que nous avons les mêmes pratiques! Cet aveuglement est l'expression même de l'attitude raciste.»

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