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COE - Des refugiees racontent


From "Sheila Mesa" <smm@wcc-coe.org>
Date Fri, 21 Sep 2001 15:14:04 +0200

Conseil oecumenique des Eglises
Document, Feat-01-17
Pour publication immediate
Le 21 septembre 2001

Des refugiees racontent
Elizabeth Ferris

Mary est veuve ; elle a sept enfants, mais ne sait pas ce que
deux d'entre eux sont devenus. C'est une refugiee
sierra-leonienne, une victime de la violence et des brutalites
qui ont dechire  ce pays. . En 1998, nous nous sommes enfuis de
notre ville de Bo /, raconte-t-elle. . Un groupe de rebelles nous
ont captures et ils ont tue mon mari. Ils m ont forcee a me
deshabiller et a me coucher par terre. J etais sure qu'ils
allaient me tuer. Mais un des rebelles etait un garcon de mon
village ; il a dit aux autres de me laisser tranquille. Plus tard
mon fils m'a trouvee. Comme beaucoup de refugies fuyant leur
pays, il avait mis tous les habits qu'il possedait, si bien qu'il
a pu me donner quelque chose pour me couvrir. Nous avons reussi a
aller jusqu en Guinee, ou nous avons vecu dans un camp de
refugies /.  

Mary, de Sierra Leone, ainsi que 45 autres femmes refugiees, est
venue a Geneve sur l'invitation du Haut Commissariat des Nations
Unies pour les refugies (HCR), a l'occasion de la premiere
Journee mondiale des refugies, celebree le 20 juin. C'etait la
premiere fois que des refugiees - venues de camps ou de zones
urbaines - et des personnes deplacees a l'interieur de leur
propre pays se reunissaient au niveau mondial pour se faire part
de leurs experiences et  mettre au point des recommandations pour
l'action future du HCR. Le Conseil oecumenique des Eglises (COE)
est l'une de trois organisations non gouvernementales seulement 
- avec la Women's Commission for Refugee Women and Children
(Commission feminine pour les refugiees et les enfants) et
l'Alliance mondiale des Unions chretiennes feminines - a avoir ete
ete invitees a participer a cette reunion.  

Les refugiees s'expriment avec force et passion. Elles profitent
de l'occasion pour raconter ce qui se passe reellement dans les
camps de refugies partout dans le monde. A la difference d'autres
reunions ou les refugies participent occasionnellement, ici la
plupart de ces femmes ne sont jamais sorties de leur pays... sauf
pour chercher refuge de l'autre cote d'une frontiere.
L'interpretation officielle est assuree en quatre langues et 
un service d'interpretation informel est offert en plusieurs
autres langues, pour que ces femmes puissent se comprendre.  

L'atmosphere de la reunion est intense et chargee d'emotion. Des
Afghanes, des Tchetchenes, des Burundaises, des Colombiennes et
d'autres encore decrivent ce qu'elles ont vecu. Beaucoup, comme
Mary, parlent de leur peine et de leur souffrance.  

. J'ai tout perdu, tout, lorsque j'ai du quitter ma maison - mon
mari, notre commerce, notre foyer, tout /, se lamente Mary. .
Puis le 9 septembre, le president de la Guinee a dit a ses
compatriotes qu'il fallait chasser les refugies hors du pays, et
les attaques ont commence. Les refugies qui se trouvaient dans
les villes ont ete ramasses, battus et tues. Les gens ont attaque
les camps. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien c'etait
terrifiant. Nous avions tellement peur.  

. Il y a quelques mois, le HCR nous a transferes dans un autre
camp, plus loin de la frontiere. La plupart des refugies devaient
partager des baraquements avec d'autres familles. Mais moi je
voulais que nous restions ensemble, en famille. Quand les enfants
vivent avec beaucoup d'autres gens, ils risquent d'apprendre de
vilaines choses.   

. D'habitude c'est l'homme qui construit la maison, mais mes
enfants et moi nous avons travaille tres dur pour fabriquer des
briques et construire notre petite cabane. Il y a tres peu de
place  et nous n'avons qu'une seule natte. Le sol en terre battue
n'est pas hygienique et les gens tombent malades. Nous n'avons
qu'une seule couverture ; alors mes enfants utilisent une de mes
robes pour se couvrir la nuit. Je ne sais pas ou sont deux de mes
enfants : un fils de 21 ans et une fille de 16 ans. Je ne sais
pas ou il sont : peut-etre dans un autre camp, peut-etre de
retour en Sierra Leone. C'est tellement triste. La nuit je ne
peux pas dormir tellement je me fais de souci pour eux...  

. Notre plus gros probleme en ce moment, c'est la nourriture.
Nous recevons 13,5 kilos de boulgour. C'est cense nous durer 45
jours, mais quelquefois nos rations n'arrivent qu'au bout de 55
ou de 60 jours. Tout le monde a faim. Il faut avoir des forces
pour aller chercher sa ration. Sinon les hommes et les garcons
vous la prennent. Dans l'autre camp, nous cultivions des legumes,
mais ici dans ce nouveau camp, cela prendra du temps. Si
seulement nous avions du riz ! Les femmes se prostituent quand
elles ne peuvent pas nourrir leurs enfants, et quand les maris
l'apprennent, ils les battent. Ca marcherait beaucoup mieux si c
etaient les femmes qui recevaient les cartes de rationnement.
En general on les donne aux hommes parce qu'ils sont chefs de
famille. Mais quelquefois ils echangent les aliments contre des
cigarettes ou de l'alcool. Alors c'est la famille qui souffre /,
explique Mary.  

D'autres femmes ont des histoires semblables a raconter : fuite,
mort, persecutions, familles separees et occasions perdues. Mais
il y a aussi des recits qui offrent de l 'espoir. . En
Afghanistan /, explique une refugiee, . il n'existe aucune
institution qui permette aux femmes de devenir enseignantes,
medecins ou infirmieres. Comme il est interdit aux femmes
afghanes de voir un medecin homme ou d'avoir un enseignant de
sexe masculin, il s'ensuit que dans quelques annees, les femmes
et les jeunes filles n'auront pas acces aux soins de sante ni a
l'education. Mais dans les camps, nous formons des refugiees
afghanes a ces professions. Ces femmes sont l'espoir de l
Afghanistan. Nous sommes l'avenir de notre pays. /  

Une initiative novatrice

La participation du COE a cette reunion est une reconnaissance
du fait qu'il a ete l'un des premiers a porter les questions
relatives aux femmes refugiees a l'attention de la communaute
internationale. En 1988, il a organise, en collaboration avec l'
Alliance mondiale des UCF et d'autres ONG, un premier colloque
sur les femmes refugiees. Cette initiative novatrice  a permis de
reunir 150 participants, venus de 40 pays ; 35% des delegues
etaient des refugiees. Plusieurs des recommandations de cette
conference ont ete appliquees. Le HCR a defini de grandes
orientations et des lignes directrices, mis au point du materiel
de formation et engage du personnel pour s'occuper specifiquement
des questions concernant les besoins des femmes.  

Il y a quinze ans, personne ne voulait entendre parler de femmes
refugiees. Les fonctionnaires du HCR et les representants de
gouvernements nous regardaient comme si nous etions fous, parce
que nous disions que les femmes refugiees avaient des besoins et
des ressources qu'il fallait reconnaitre. Il s'est passe tant de
choses depuis. Par exemple, de nombreux gouvernements acceptent
aujourd'hui que les demandeuses d'asile doivent pouvoir parler
avec des fonctionnaires femmes si elles ont subi des violences
sexuelles. Certains programmes ont lance des projets generateurs
de revenus destines specialement aux femmes, et les questions
relatives a la position des femmes constituent aujourd hui le
principal des activites de nombreuses organisations. Mais tant
que des femmes continueront a etre violees quand elles vont
chercher du bois de chauffage et que des familles auront faim
parce que l'homme qui possede la carte de rationnement a besoin
de cigarettes, il y aura beaucoup a faire.   

Les temoignages presentes a la conference de juin 2001 a Geneve
confirment en effet que la tache reste immense. Les femmes
continuent a subir des violences physiques pendant leur fuite,
dans les camps et au sein de leurs familles. . Quelquefois nos
hommes n'ont rien a faire dans les camps /, raconte une
Burundaise. . Avant ils etaient le soutien de famille, le
protecteur, mais maintenant ils se sentent inutiles. La violence
dans la famille est souvent causee par ce changement dans les
roles respectifs des sexes /. Une autre femme explique que
dans le camp de  Dabaab, au Kenya, les femmes doivent  marcher
pendant des heures pour aller chercher du bois et sont souvent
attaquees ou violees en chemin. . Nous pourrions acheter du bois,
si nous avions de l'argent /, dit-elle. . Nous pourrions ouvrir
des petits commerces pour en gagner , mais nous n'avons rien - 
pas de capital -  pour demarrer. /  

Lors d'une reunion avec le Haut Commissaire pour les refugies,
Ruud Lubbers, une refugiee ethiopienne de 17 ans exprime les
preoccupations d'innombrables femmes lorsqu'elle lui parle du
besoin urgent qu'elles ont de recevoir une education. . Nos
enfants ont besoin d'ecoles /, plaide-t-elle. . Nous voulons que
vous nous repondiez franchement. Nous voulons que vous disiez .
oui /, que vous allez faire en sorte que les refugiees aient
acces a l'education /. Le Haut Commissaire prend le microphone
et repond simplement : . Oui. Je vais le faire. Oui. /  

Compressions budgetaires

Malheureusement plusieurs programmes du HCR sont menaces par une
recente serie de compressions budgetaires.

. Nos rations alimentaires ont ete reduites /, annonce une
refugiee tanzanienne en soupirant. /Les notres aussi /,
reprend une Afghane au Pakistan. . Et les notres aussi /... /Les
notres aussi /. L'impact des compressions budgetaires du HCR est
evident dans les recits de femmes refugiees de toutes les
regions du globe.  

Lorsque les rations alimentaires sont reduites, les gens ont
faim. Quand les enfants n'ont rien a manger, leurs meres se
mettent a se prostituer. Le rapport entre les deux est clair,
simple et direct. Pas d'argent pour acheter du bois ... et les
femmes doivent aller plus loin pour en chercher. Trop souvent
elles se font attaquer ou violer en chemin. . Avant on nous
donnait du savon /, explique une femme, . mais on l'a supprime. /
. Nous esperions avoir des ecoles /, continue une autre refugiee,
. mais le HCR n'a pas les moyens de payer des instituteurs ou des
institutrices. / Les histoires n'en finissent plus.  

Dans les corridors du HCR, on se demande quels programmes vont
etre touches par les reductions budgetaires, on raconte
comment le bureau X se bat pour que les coupes qui vont
l'affecter soient diminuees. . A l'origine on voulait reduire le
budget de mon bureau de 40% /, declare un fonctionnaire en
souriant, . mais j'ai reussi a ramener ce chiffre a 18% /. Le HCR
aurait fait des offres financieres genereuses aux personnes de 53
ans et plus qui prendraient une retraite anticipee, afin de
reduire les frais de personnel. Il est triste qu'une personne
qui a travaille toute sa vie pour le HCR soit forcee de prendre
sa retraite a 53 ans. Mais il est bien plus triste encore que des
meres refugiees voient leurs enfants manquer de nourriture.  

. Mon fils a 10 ans et tout ce qu'il a connu, c est la guerre /,
se lamente une mere angolaise. . Quelle enfance a-t-il eu, quand
tout ce qu il a connu, c'est les combats et la fuite ? / Avec un
sourire ironique, elle continue ainsi : . J ai 35 ans et toute ma
vie je n'ai rien connu d'autre que la guerre. Je suis d'Ovambo
mais je suis venue a Luanda, avec d'autres personnes deplacees, a
cause de la guerre. Et nous sommes entasses les uns sur les
autres. Nous sommes cinq dans une piece. Je m'occupe de mes
neveux et nieces, comme tout le monde dans le pays. Ma mere est
morte d'une thrombose la semaine derniere. Elle est morte parce
qu'il n'y avait pas de medicaments. /  

Il y a tant de recits de besoin, de souffrance, de detresse. Il
semble incroyable que le budget du  HCR soit reduit parce que les
pays riches ne veulent pas payer, parce qu'ils sont las de payer
pour secourir les victimes de guerres qui n'en finissent plus.
Mais ils ne pourraient pas etre 
plus fatigues de la guerre et de ses souffrances que les femmes
qui participaient a cette reunion.  

Elizabeth Ferris est chargee de programme dans l'equipe .
Relations internationales / du COE.  

Pour toute information complementaire, s'adresser a:
Karin Achtelstetter, Responsable des relations avec les medias 
Tel.:  (+41 22) 791 61 53    Portable: (+41) 79 284 52 12

**********
Le Conseil oecumenique des Eglises (COE) est une communaute de
342 Eglises. Elles sont reparties dans plus de 100 pays sur tous
les continents et representent pratiquement toutes les traditions
chretiennes. L'Eglise catholique romaine n'est pas membre mais
elle collabore activement avec le COE. La plus haute instance
dirigeante du COE est l'Assemblee, qui se reunit environ tous les
7 ans. Le COE a ete forme officiellement en 1948 a Amsterdam, aux
Pays-Bas. Le secretaire general Konrad Raiser, de l'Eglise
evangelique d'Allemagne, est a la tete du personnel de
l'organisation.

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